jeudi 14 février 2013

Feux de brousse et conséquences

La lutte contre les feux de brousse est actuellement au centre des préoccupations des équipes de Nébéday sur le terrain.

Le travail a commencé par une tournée de cinéma-débat dans 15 villages. S'en sont suivies plusieurs campagnes de fauchage de la paille à l'intérieur de couloirs pare-feux ; Là où l'on avait précédemment planté 5 000 anacardiers.

La création de ces couloirs pare-feux est un travail de longue haleine, qui nécessite la présence d'un maximum de monde. Certains villages, surtout ceux qui restent très dépendant de la forêt, se sont fortement mobilisés. On a pu voir réunis femmes, enfants et vieillards aux cotés des hommes pour faucher et ratisser toute cette paille extrêmement inflammable. Nous fumes émus de voir cette forte mobilisation autour de la forêt ; D’autant plus que ces journées furent aussi l’occasion de réunir des villages voisins, de densifier les liens qui les unissent. Nous observons avec joie que ce projet de protection et de gestion communautaire de la forêt de Sangako devient une réalité que les villageois ont adoptée.

Même les enfants ont participé !
Faucher la paille sous un tel soleil demande beaucoup de motivation
On déplore tout de même l'absence de certains villageois, notamment ceux de Toubacouta. L’activité économique étant fortement lié au tourisme, les jeunes se sentent moins concernés par la préservation de la forêt ; Pourtant les touristes apprécient de venir ici car ils y trouver une nature encore préservée. C'est aussi pour cette nature encore généreuse que la zone environnant la forêt de Sangako (au sein même de la forêt la chasse est interdite) est très appréciée par les chasseurs. Ils y chassent principalement le phacochère. C’est une activité très lucrative pour les campements qui s’y adonnent.

Malheureusement notre enthousiasme a été soufflé en plein vol par le déclenchement de feux de brousse. Le premier a débuté le 16 janvier à l’heure du déjeuner. Hasard de calendrier ou non ce fut tout de même 2 jours après l’ouverture de la chasse. Les animateurs de Nébéday ont tout de suite réagi pour tenter de l’éteindre. Une partie de l’équipe est partie avertir les villages environnants pour y mobiliser le maximum de monde, pendant que l’autre s’en est allée au front renforcer ceux qui s’y trouvaient déjà.


Éteindre un feu de brousse n’est pas un travail facile ni dénué de dangers. Les outils sont sommaires et peu nombreux. La plupart de ces pompiers amateurs n’ont que des branches de neem pour fouetter le feu. La méthode est tout de même efficace si la mobilisation est forte. Mais à l’inverse du fauchage de la paille dans les couloirs pare-feux où tous les villageois peuvent se rendre, il n’en est pas de même dans un feu de brousse où la chaleur et la fumée sont trop intenses. Dans un tel brasier, seuls les hommes les plus braves osent aller.

Ce n’est que vers 23 h que les derniers foyers ont été éteints et que les hommes sont rentrés exténués.

Cela s’est répété pendant 4 jours.

Aujourd’hui, le paysage est désolant : plusieurs jours après on entendait encore les arbres calcinés tomber à terre. Vaincus.

En quelques années ces feux peuvent profondément changer le paysage. Les arbres matures ne craignent pas trop ces feux qui sont aussi brusques que rapides. Les flammes avancent de plusieurs mètres en quelques secondes portées par le vent et nourries par la paille haute et sèche. Mais il n’en est pas de même pour les jeunes arbres, bien au contraire, presque aucun ne survit. Dans de telles conditions, imaginons la forêt dans 20 ans : plus de régénération naturelle, de vieux arbres sur le déclin, des sols de plus en plus dénudés, des hivernages qui lessivent la terre mise à nue,… L’issue est fatale.

Paysage désolant après le passage du feux

Disparition progressive du couvert végétal
Mais ce serait sans compter la conscientisation des villageois qui ne laisseront plus les feux réduire à néant leurs efforts de reboisement réalisés durant l’hivernage. Des villageois volontaires et impliqués dans la préservation de la forêt ont été nommés éco-gardes ; Il y en a entre 2 et 4 par villages. Ces hommes, plus ou moins jeunes, ont été très actifs ces dernières semaines dans l’organisation des pares-feux et dans l’extinction des feux de brousse ; C’est l’équipement qui leur fait encore défaut mais différentes solutions sont étudiées pour y remédier.

Après moult concertations entre les villages, les Eaux et Forêt et Nébéday un plan de gestion durable et raisonné de la forêt de Sangako est en train de voir le jour. On y décide de l’itinéraire des ruminants, des arbres autorisés à la coupe, de la date de récolte des fruits sauvages, de l’anticipation des feux de brousse, des campagnes de reboisement,…

Une meilleure gestion des ressources forestière signifie aussi qu’il pourra y avoir de nouvelles rentrées d’argent. Par exemple, il a été proposé et accepté qu’une partie des bénéfices engendrés par l’exploitation de la paille et par les activités menées par la future coopérative serve directement à la gestion de la forêt ; cet argent pourra rémunérer les éco-gardes, payer le matériel dont ils ont besoin et financer les campagnes de reboisement.

Alors, malgré les feux de ces derniers jours, les quelques semaines passées ont été très encourageantes. Elles nous ont montré que Nébéday a su gagner la confiance des villageois, la condition indispensable pour la pérennité du projet que nous portons tous ensemble.

Coucher de soleil et baobab en bord de mangrove

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